mardi 12 juillet 2011

Anticiper le choc culturel : un facteur de réussite

Pour réussir une expatriation, une des clés est l'anticipation du choc culturel.

J'aimerai vous partager dans cet article les principaux éléments relatifs à la culture mexicaine qui ont fait l'objet d'un choc culturel dans mon cas, mais également selon les différents témoignages d'expatriés résidant au Mexique dont nous avions pu bénéficier. La connaissance de ces derniers peut être très bénéfiques aux futurs expatriés qui viendront s'établir au pays. Je parlerai ici dans la généralité par rapport à mon vécu, mais comme dans toute chose, il existe des exceptions. Pour le futur expatrié qui viendra s'établir au Mexique, il lui sera très important de savoir à quoi il devra s'attendre, en général, pour réduire son choc culturel. Et encore mieux, devant les exceptions, il sera positivement surpris.

Bienvenue au Mexique !!!
  • L’élasticité du temps : Voilà la première chose que chacun des 3 expatriés que nous avions rencontré ont mentionné durant leurs conférences respectives. Nul n'est sans savoir que le concept du temps au Mexique est très différent de celui en Europe ou encore aux E-U et au Canada. Si dans les pays précédemment cités l'on a une conception du temps plus monochrone, au Mexique, la conception du temps est beaucoup plus polychrone, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup moins de planification et les choses se font simultanément; les interruptions et changements sont fréquents et acceptés. Notons quelques conséquences relatives à ce phénomène :

    • La ponctualité : au Mexique, les écarts quant au planning de départ est très toléré. Ainsi, le retard, qu'il soit par rapport à un rendez-vous ou à une échéance n'est pas choquant, voire c'est normal. Durant mon séjour, j'ai pu être témoin de plusieurs reports de date et plusieurs retards (qui peuvent aller jusqu'à une heure de retard).

    • La lenteur : comme le respect d'une échéance est une option et non un impératif, on assiste alors à une lenteur administrative, ainsi qu'une lenteur des processus, et par conséquent, une efficience et productivité basses.

    • La durée d'une discussion : le Mexicain polychrone a tendance à rallonger une discussion : avant d'aller à l'essentiel, il y a toujours une entrée en matière, et de même, à la fin de la discussion, il peut rester là à discuter de tout et de rien pendant des heures, si dans les pays monochrones, une fois l'essentiel dit, on coupe la conversation. Un exemple que j'ai vécu dans le quotidien : la mère de famille dans le foyer où je vis a cassé un objet en céramique que j'avais acheté à Puebla. Comme il s'agit d'un souvenir et qu'elle s'était donné une idée de la valeur de l'objet, pour me l'annoncer, il lui a fallu trente minutes, si en réalité, cela aurait pu prendre deux minutes. L'entrée en matière a duré 15 minutes : "Ça va ? Tu m'as l'air fatiguée aujourd'hui. Comment s'est passé le cours ? Vous travaillez vraiment dur ... Les cours se passent comme cela aussi au Canada ? ... Ma pauvre ... Tu veux manger quelque chose ? Je te le prépare tout de suite. Ah oui je voulais te dire que je suis vraiment désolée parce que ..." Ensuite, pour finir la conversation, il a fallu à peu près la même durée : "Donc tu vas faire quoi là, tu vas dormir ou tu as beaucoup de travaux encore à terminer ? ..." Cet exemple m'a montré que l'entrée en matière et la sortie peuvent durer beaucoup plus de temps que l'essentiel lors d'une conversation avec un mexicain.

    • La vision de l'avenir : Le mexicain polychrone vit au présent, il profite du présent et n'accorde pas plus d'importance à la planification de l'avenir ou du long terme. Sa devise est de profiter pleinement de chaque instant, de prendre plaisir à la vie, et non, loin de là, se tuer au travail. Cela se manifeste par son aversion à la planification et sa vision à court et moyen terme. J'ai pu remarquer qu'ils aiment bien organiser les choses à la dernière minute, suivant le 'feeling'. ceci pourrait avoir une conséquence sur le milieu professionnel.
  • Les relations interpersonnelles :
    • Importance de la famille: cet aspect pourrait constituer un choc pour les personnes imprégnées d'une culture plus individualiste, tels les Européens ou Américains, qui favorisent l'indépendantisme . Pour celles imprégnées de la culture africaine ou encore arabe, une culture plus collectiviste, il s'agirait plutôt de retrouver un peu de sa propre culture dans un pays étranger et sera ainsi un facteur favorable à leur adaptation. En effet, les mexicains accordent beaucoup d'importance à la famille. Les membres de la famille sont très soudés et ils se le témoignent ouvertement. Dans la famille au sein de laquelle je vis, et c'est le cas de la plupart des familles mexicaines, ils s'embrassent et s'étreignent à chaque fois qu'ils se voient : pour se dire bonjour le matin, pour se dire au revoir quand l'un va sortir, pour se resaluer au retour, pour se souhaiter bonne nuit, et même quand ils sont simultanément dans la maison mais chacun à leur occupation, dès qu'ils se recroisent, une embrassade s'impose ! Les conséquences n'en sont pas moindre :
      • les relations belle-mère/belle-fille ne sont pas très tendres, cela car la mère a tendance à trop couver son fils et s'interférer dans sa vie familiale. Les belle-filles de ma famille d'accueil vouvoient la mère et lui témoignent beaucoup de signes de respect, si cette dernière se montre plus au moins hautaine avec elles.
      • les enfants, devenus adultes, ont du mal à couper leur cordon ombilical. Même à 30 ans, tant qu'ils ne sont pas mariés, les enfants, hommes ou femmes, restent vivre chez leurs parents. Et mariés avec enfants, ils viennent rendre visite à leurs parents au moins 3 fois dans la semaine. Et cela est tout à fait normal. 
      • Même dans le milieu professionnel, la famille a son influence. Comme nous l'a partagé une expatriée américaine, installée au Mexique depuis maintenant 5 ans, si l'on doit s'absenter au travail, tant que la raison est la famille, ça passe : "mon enfant est malade" passe plus que "je suis malade".
      • Vie privée / Vie professionnelle : le manager polychrone accepte plus de mêler vie professionnelle et vie privée. Il est très fréquent de ramener du travail à la maison, d'en parler avec la famille, si au Québec par exemple, mais autant valable dans tous les pays monochrone, les barrières entre vie professionnelle et vie privée sont solides.

    • Distance interpersonnelle : Comme il s'agit d'un société très collectiviste (type "public"), les relations sont très soudées entre les personnes appartenant à un regroupement social : famille, voisins, etc. Les amitiés sont très solides et sont des amitiés "pour la vie", en comparaison avec l'individualiste qui aime se faire des relations, mais celles-ci resteront superficielles. Cela se manifeste par leur facilité à tout se partager, jusqu'aux informations que nous considérerions comme "intimes". Ils sont très dépendants affectueusement et recherchent constamment la compagnie de leurs proches. Ainsi, le nouvel expatrié individualiste pourrait se sentir "envahi" dans son espace personnel. Un des expatriés interviewés a partagé son choc quand on lui a posé la question : pourquoi son couple ne voulait pas avoir d'enfants, une question venant de ses collègues de travail. Ce genre de discussion entre des collègues de travail de longue date est très familier au Mexique.

    • Relations homme-femme: le machisme est très présent au Mexique. Bien que la femme commence à prendre de la place dans le milieu professionnel, elle n'est pas encore bien installée. Avec la prépondérance du poids de la famille, la vraie place de la femme reste au foyer. Il est intolérable qu'une femme accorde une moindre importance à son foyer, au profit du travail. Ainsi, dans la majorité, la femme travaille pour ajuster le revenu familial et non par ambition ou par besoin d'accomplissement personnel. En voici quelques conséquences : 
      • la place de la femme dans le foyer : elle est dans son élément. Comme là est sa vraie place, elle prend le contrôle. Les décisions sont finalement toutes prises par la femme. On pourrait même aller jusqu'à dire qu'elle est le "vrai" chef de famille. D'autre part, un de ses principaux rôles au sein du foyer est de "prendre soin de son mari", soit : lui préparer à manger, laver et repasser ses vêtements, bref, s'assurer qu'il a tous les soins qu'il veut et qu'il mérite. Cela peut suggérer qu'elle est soumise et donc inférieure, mais de ce que j'ai pu constater, elle le fait avec plaisir, plus par amour que par soumission. D'autre part, le fait qu'elle contrôle tout dans le foyer lui enlève ce semblant de soumission.
      • la place de la femme dans la société : en société, la femme a plus tendance à se taire et à écouter. L'homme est visiblement plus influant. A partir de ce que j'ai vu, j'en arrive à la conclusion que plus la région est pauvre, plus cette tendance s'accentue, plus elle est développée, ce qui est le cas de Querétaro, moins elle paraît. De la même continuité, la différence se fait sentir dépendamment de la famille, principalement du niveau de vie de la famille. Dans les familles aisées et dont les membres ont plus d'expériences internationales, cette tendance est quasiment inexistante. 
      • la place de la femme au niveau professionnel : les femmes dirigeantes sont très peu nombreuses et personnellement, durant mon séjour, je n'en ai connu qu'une : la directrice des programmes internationaux au sein du TEC de Monterrey. Comme je l'ai mentionné plus haut, les femmes y sont beaucoup moins ambitieuses que dans les pays développés. Les femmes occupent alors des postes d'exécutants, où les tâches sont bien précises et qui ne nécessitent souvent pas de prises de décisions importantes. Un mexicain, compte tenu de sa nature machiste pourrait très mal supporter avoir une femme comme supérieur hiérarchique.

    • Distance hiérarchique :la distance hiérarchique est très accentuée et très formelles. Au sein de la société, on a généralement directement affaire à son supérieur hiérarchique direct, très rare sont les interactions entre les dirigeants et les subordonnés des premiers niveaux. De même, pour une personne externe qui souhaite rencontrer les dirigeants de la société n'a quasiment aucune chance s'il ne le connaît pas informellement ou n'a pas d'intermédiaire. Celui-ci est pratiquement inaccessible.
Voilà quelques éléments de la culture mexicaine, tirés de ce que j'ai personnellement vécu, et de différents témoignages d'expatriés résidant au Mexique. Je pense vous avoir, en quelques lignes fait découvrir la réalité de ce pays.